La Sainte Tradition de l’Eglise – témoignages et explications

La parabole du semeur. Le moment de se laisser cultiver par Dieu est MAINTENANT ! Mgr Marc Alric [FR] – homélie :

Comment changer ? En acceptant le don de la Sainte Tradition que le Seigneur nous fait.

Il faut témoigner de l’Orthodoxie pour que ce don divin soit connu par tous !

Voici le témoignage du père Marc Antoine Costa de Beauregard sur la Tradition de l’Eglise (une catéchèse offerte aux fidèles de notre paroisse) :

1. La Tradition est un banquet :

A travers l’Église, c’est un cadeau qui se transmet de génération en génération (cf en latin « donner à travers » et en grec « donner de chez quelqu’un »).
Ce cadeau vient de Dieu, nous le savons d’après la signature de Dieu, qui signe avec la croix. La croix est l’expression de Son amour et de Son don.
Donc l’idée que ce cadeau qui est transmis de génération en génération est un cadeau de Dieu et signé Dieu avec la croix est fondamentale si nous voulons retrouver le sens chrétien du mot Tradition. Ce n’est pas le sens où on l’entend dans la société, où on parle des traditions dans le sens faible, usé, par exemple de la tradition familiale.
La Tradition chrétienne est quelque chose que Dieu donne de manière généreuse, incompréhensible et magnifique à travers Lui-même. Le Père se donne à travers le Fils et le Fils nous donne après cela ce qui vient du Père à nous, chrétiens, qui voulons être chrétiens, qui voulons recevoir ce cadeau et en vivre. Et, comme nous avons la signature de celui qui a donné le cadeau, on peut aussi le remercier.
C’est pourquoi, la vie chrétienne est au fond très simple : on reçoit, on goûte et on remercie. C’est ce que nous faisons dans le mystère eucharistique : nous recevons dans la liturgie, nous nous réjouissons du cadeau que Dieu nous fait et qui n’est autre que Lui-même, Sa propre vie, Sa propre substance, déifiante, nous la goûtons, nous en jouissons, nous nous réjouissons et nous Le remercions.
C’est là le sens véritable de la vie chrétienne et du mot Tradition. Loin de sa consonance austère et sérieuse, la Tradition c’est quelque chose qui est beau, que Dieu nous donne par amour pour nous et dont on Le remercie tous les jours.
Comme on remercie Dieu pour ce cadeau, on essaie naturellement de ne pas l’abîmer, on en prend soin. C’est l’idée de Quelqu’un qui nous donne quelque chose d’extraordinaire qui exprime tout Son amour pour nous et qu’on essaie de garder vivant, de ne pas abîmer, de faire fructifier, si possible de le partager avec d’autres. C’est pourquoi l’eucharistie telle qu’elle est célébrée est l’expression même du mot Tradition. Nous recevons Dieu qui se donne à nous, nous Le goûtons de manière bouleversante, nous Le remercions avec joie et nous partageons cela au maximum autour de nous. Nous avons aussi mal pour tous ceux qui ne communient pas, dont les 90% d’hommes sur Terre qui ne connaissant pas le Christ. Et c’est la seule chose qui blesse notre joie, qui fait que nous restons un peu sur notre faim. Car nous aimerions que ce cadeau que Dieu nous transmet aussi à travers Son Fils puisse être partagé et que d’autres puissent en jouir. Il nous semble que notre joie serait plus grande si elle se multipliait. Une joie absolument multipliée dans tous les ordres de la création serait absolument extraordinaire. Dieu, qui est le créateur du don, ne peut être absolument satisfait tant qu’il y a une seule créature qui ne participe pas à ce don, à ce banquet.
Il y a donc quelque chose dans le mystère de la Tradition qui est inclusif. C’est un don qui inclue la joie, le bonheur d’être ensemble, la reconnaissance, la gratitude (cf sens grec d’eucharistie qui veut dire remercier). On dit Sainte Liturgie, on pourrait dire Sainte reconnaissance, Sainte gratitude. Et, en même temps, c’est une joie blessée, car nous avons mal et nous prions pour ceux qui ne croient pas, ou ne croient plus, ou ne croient pas encore. C’est comme le Christ ressuscité, qui était magnifique, lumineux, extraordinaire, mais qui gardait une blessure au côté. La joie de la Tradition, joie de la fidélité au don, de la garde du don, de la réception et de la reconnaissance du don, a aussi quelque chose qui saigne pour le monde. C’est là la dimension missionnaire de l’Église. Car, si les chrétiens étaient seulement contents entre eux, en se réjouissant entre eux, ils auraient une mentalité de secte. Or, l’Église n’est pas une secte. La Tradition du Christ est ouverture vers le salut du monde, c’est pourquoi la liturgie est aussi offerte pour le salut du monde, de toutes les créatures conscientes et inconscientes, visibles et invisibles. Dans la Tradition, il y a la contemplation d’une réalité très belle, profonde, joyeuse, vivante et vivifiante.

2. La Tradition est sanctificatrice et divinisatrice

Ce don qui donne la vérité, la vie, la sagesse de Dieu, est en réalité le don de Dieu lui-même. La Tradition au sens fort c’est le don que Dieu fait de Lui-même, de Sa sagesse, de Sa pensée, de Sa vie, de Son intelligence, de Sa beauté, de Sa lumière. C’est un don qui a la caractéristique extraordinaire de nous transformer en Lui-même. C’est là que réside la différence avec les autres dons de ce monde. Ce qui est extraordinaire est que les dons de Dieu nous transforment en Dieu. Ils sont divinisants, déifiants. Si nous vivons dans l’Église et dans la Tradition de Dieu qui commence avec la création du monde et vient à travers toute la Bible, le don que Dieu fait de tout Son être nous divinise. La Tradition est transformatrice et transfigurante. L’humanité transfigurée du Christ est le fruit de la Tradition. Le Père transmet à travers le Fils et rayonne à travers l’humanité du Fils et ce que le Père transmet à travers le Fils va rayonner aussi à travers notre propre humanité. Pour cela il faut vivre dans la Tradition et non pas seulement la respecter, car l’Église, n’est pas un musée de la Tradition chrétienne, des coutumes chrétiennes, du folklore orthodoxe. La Tradition est la vie, la vérité et la lumière que Dieu donne de Lui-même et si l’on vit là-dedans (aussi avec les petites traditions de l’Église), la vie sera sanctifiée, déifiée, divinisée. Mais ce phénomène de divinisation, déification, sanctification, n’est pas automatique. La transformation de l’homme dans le don qui lui a été fait n’est pas automatique. Le monde de l’Église et de la Tradition n’est pas un monde magique. Cela n’existe pas, c’est la caricature de la religion. C’est par la foi et l’amour qu’on a pour Celui qui nous donne le cadeau, par l’émerveillement qu’on a de la beauté de ce cadeau, par la satisfaction qu’on reçoit de Dieu, la gratification qu’on reçoit de Dieu, par une réponse libre de notre part (un merci, oui, me voici) que cette divinisation, déification, est possible.

3. La Tradition dépend de sa garde

L’idée de garde de la Tradition est évoquée dans le contexte biblique notamment dans 2 psaumes particulièrement intéressants : le psaume 102, verset 57 et le psaume 118 (qui est dit le samedi dans l’office des mâtines et dans les offices pour les défunts, parfois en entier). Or, le thème essentiel de ce poème de David est que si on garde les préceptes de Dieu, Dieu nous garde. Garde la Tradition et Dieu te gardera. En réalité, plusieurs psaumes disent cela et on le retrouve également dans le livre des proverbes, où il y a un mélange de choses drôles et amusantes et de choses extrêmement sérieuses et sages. Le thème essentiel du livre des proverbes est bien « garde la Tradition et Dieu te gardera ». Dieu protège ceux qui gardent Ses commandements, Dieu bénit ceux qui suivent Sa parole. C’est là un thème constant, typiquement juif, typique du judaïsme biblique qui est notre héritage. Dans aucun autre peuple il n’y a cette idée d’alliance. Dans l’histoire des religions, on s’aperçoit qu’il n’y a qu’un seul peuple qui a eu ce charisme là, c’est le peuple hébreu. C’est dans nos racines juives, sémitiques qu’on trouve cette idée « je te garde – tu me gardes » ou  » je garde Ta parole, je remplis Tes commandements et Tu me protèges ». On peut l’entendre sur plusieurs registres, à la limite dans le sens primitif d’un marché ou bien, dans les plus hautes sphères comme « je remplis Tes paroles et accorde-moi la lumière éternelle et la joie de Te voir et Te contempler ». Mais l’idée d’un contrat, une alliance, un accord, une solidarité entre Dieu et nous est fondamentale. L’idée de Tradition pour nous, les chrétiens orthodoxes, repose sur l’idée d’alliance. La différence avec le peuple juif est que chez le peuple d’Israël cela marche si chacun remplit son contrat. Or, avec l’incarnation de Dieu, quand Il s’est fait homme, à travers le verbe il a parlé à Moïse, à Abraham, à Noé et la parole de Dieu a ratifié le sens profond de la Tradition en y insistant beaucoup. Cela est évident dans l’Évangile, dont la lecture est essentielle. Ainsi, le Christ n’a pas méprisé la Tradition, Il est le fondement de la Tradition elle-même, des préceptes du Père. Il est le don du Père par excellence, il ne peut se mettre en contradiction avec Lui-même. Il respecte tous les commandements de la loi et ne change pas un iota de la loi de Dieu. Le Christ donne de Son respect de la Tradition un exemple inimitable, ineffaçable : la croix. Son obéissance jusqu’à la croix, c’est accomplir la Tradition jusqu’au bout. Il a célébré la Pâque comme personne. Il est celui qui, par Son humanité concrète et historique, a été jusqu’au bout du respect de la Tradition. Et, en même temps, Il a apporté un discernement très important. Il a dit aux scribes, aux pharisiens « les anciens ont dit cela, mais Moi Je vous rappelle ceci » pour redonner le sens juste de la Tradition. Et parfois même Il reproche à Son entourage de ne pas respecter la loi, ou d’introduire des habitudes humaines, des coutumes, des modes humaines. Il met ainsi l’accent sur les dégradations de la Tradition, met en avant l’idée de vigilance pour que la Tradition soit encore féconde. Pour que le cadeau ne soit pas abîmé, il ne faut pas le laisser se dégrader. Le Christ donne l’exemple de l’accomplissement de la Tradition Lui-même et il rappelle ce que c’est. Particulièrement dans l’eucharistie, Il dit « faites ceci en mémoire de Moi ». Le noyau de la Tradition a comme hypostase le Christ Lui-même. Il se montre comme chef de la Tradition. Dans un autre épisode de la Bible, Il se donne comme frères spirituels, comme fils en Dieu, ceux qui font la volonté du Père, ceux qui la mettent en pratique. Dans l’Évangile selon St Matthieu, qu’on dit pour les baptêmes, celle de l’élévation du Christ au ciel, Il dit aux apôtres « apprenez-leur à garder et à mettre en pratique tout ce que Je vous ai prescrit ». C’est un cas typique où le Christ se montre maître de la Tradition, Il enseigne la Tradition et sa garde.
La Tradition est un problème d’identité pour le 21ème siècle, pour nous les orthodoxes en particulier. Car être orthodoxe c’est garder la Tradition. Ce qui caractérise la communauté orthodoxe, c’est sa relation à la Tradition: on est orthodoxe, car on garde la Tradition des saints Apôtres et des Saints Pères, indépendamment de notre nationalité ou localisation. On reconnaît notre identité orthodoxe en cela qu’on garde la Tradition, on colle au maximum à ce que les Apôtres, les Pères ont fait (cf St Paul: « imitez-moi comme j’imite le Christ »). Etre orthodoxe c’est essayer de ne rien perdre de ce qui a été donné par le Christ après la Résurrection et l’Ascension dans les 40 jours. Rien perdre de cela, rien abîmer de cela, rien détériorer de cela, rien laisser refroidir de cela. C’est le plus difficile.
Car il y a plusieurs tendances chez nous les orthodoxes. Soit on se crispe sur la Tradition et tant qu’on a gardé la Tradition et les traditions on est orthodoxement conforme (c’est du traditionalisme peu fécond), soit, surtout ici en Europe Occidentale, on est influencé beaucoup par le milieu catholique, par l’oecuménisme, le protestantisme, le modernisme, etc. – et, au bout de très peu de temps, on lâche tout (on lâche le jeune, on ne se confesse plus, on ne fait plus le carême).
Or, les deux extrêmes, un traditionalisme frileux et sur la défensive (or, l’orthodoxie ce n’est pas cela, c’est une évidence) et de l’autre côté une compromission avec des courants de toutes sortes (psychologique, philosophique, une espèce de soupe sans stigmatiser) ne servent à rien. Si nous gardons la Tradition de manière frileuse et défensive elle est inutilisable et si nous la mélangeons avec le modernisme, influencé par l’oecuménisme, elle est inutilisable aussi et ne sert plus à rien car on perd les réponses dont notre époque a besoin.
Car si nous gardons la Tradition, c’est pour notre propre sanctification, parce que nous-mêmes nous transfigurons notre vie, mais aussi pour les autres, pour nos enfants, car notre seul but est qu’ils soient des Saints, plus grands que nous devant Dieu, meilleurs que nous.
Mais c’est aussi pour le monde et les temps qui viennent que nous gardons la Tradition. Car la situation de l’univers et de la planète dans laquelle nous vivons est extrêmement difficile. Nous vivons en des temps d’épreuves comme l’humanité n’a peut-être jamais connus. (cf Évangile selon St Matthieu, les temps prévus sont extrêmement difficiles). Or, pour tenir dans les temps difficiles, ou même les épreuves de maintenant, et rester vivants, debout, hommes dignes de ce nom, il faut rester des personnes qui confessent le Christ , la Résurrection et qui inventent les réponses dont on a besoin. Or, le fait de garder la Tradition donne accès à la vie dans le Saint Esprit. Celui qui garde les paroles du Christ, Ses commandements, acquiert le Saint Esprit. Celui qui ne le fait pas, ne l’acquiert pas et s’il croit avoir un esprit, ce n’est pas l’Esprit Saint, qui se manifeste rigoureusement par la garde des commandements. Si on garde les Évangiles, on a l’Esprit Saint et si on a l’Esprit Saint on garde les Évangiles. Tous les Saints béatifiés, sanctifiés, divinisés, que nous connaissons par la Tradition de l’Église, ont essayé de garder au maximum les commandements du Christ (l’amour du prochain, des ennemis, qui est le maximum des commandements) et c’est là que l’Esprit Saint est donné. L’application des commandements nous ouvre, nous connecte sur le don du Saint Esprit. Car celui qui fait la volonté du Christ fait la volonté du Père, or le Père est la source unique de l’Esprit Saint. Et le Père donne l’Esprit Saint à ceux qui font la volonté de Son Fils. Cet accomplissement des commandements peut aller très loin – par exemple les martyrs sont allés jusqu’à la mort pour ne pas être infidèles au Christ et l’Esprit Saint descendait sur eux comme une couronne, comme une lumière. Or, si nous gardons les commandements du Christ, la Tradition de l’Église, la vieille Tradition ancestrale juive, chrétienne, orthodoxe, patristique, l’Esprit Saint vivant vivra en nous et nous aurons la capacité d’inventer des réponses pour les temps qui viennent. Il faudra être inventif. La Tradition n’est pas seulement répéter ce qu’on a déjà vu. La Tradition n’est pas répétitive, elle est fidèle, mais fidèle dans la créativité. Ce n’est pas l’évolution, le modernisme, l’idée de déformation, c’est autre chose. Tous les Pères ont fait des développements, ont eu des idées de génie dans le domaine idéologique, iconographique, de l’Église, de la culture, dans le domaine social, politique – tout cela car l’Esprit Saint vivait en eux. Si nous voulons être des chrétiens orthodoxes pour notre temps, il faut garder la Tradition. Ce n’est pas paradoxal, car si dans la mentalité occidentale la Tradition est quelque chose du passé, dans la mentalité orthodoxe, on considère la Tradition comme quelque chose du présent. Cette actualité de la Tradition est notre force et nous permet de faire face courageusement aux questions de l’époque, qui sont énormes (dans le domaine scientifique, bioéthique, jamais l’humanité n’a été confrontée aux problèmes auxquels elle sera confrontée et l’est déjà maintenant). Ceci ne doit pas nous faire peur, mais nous stimuler, nous motiver. Le monde dans lequel on est a besoin de vrais chrétiens, de vrais orthodoxes, qui vivent selon la Tradition de leurs Pères, comme le Christ, qui était la plénitude de l’orthodoxie en personne, de la vie, de la vérité, de la sagesse. Nous devons coller à Lui au maximum, communier à Lui.
La communion eucharistique est le noyau de la Tradition. Il faut la faire vraiment, de tout notre coeur, avec repentir, joie et reconnaissance. C’est seulement dans la communion qu’on communie. Autrement, ce sont des imitations extérieures du Christ. Or, la religion orthodoxe n’est pas une religion d’imitation, on n’est pas seulement des suiveurs du Christ, on communie avec Lui. On imite un gourou, un père spirituel, un Saint. Le Christ, on s’en nourrit, on boit Son sang et on mange Son corps et Sa chair déifiante. (cf St Paul qui distingue dans un texte les imitateurs et les communiants, les « consommateurs » pourrait-on dire s’il n’y avait une connotation péjorative). Il s’agit de se nourrir et de s’abreuver de Dieu. On imite le père spirituel, mais on mange et on boit Dieu. C’est très différent. C’est pourquoi la communion est si importante, elle n’est ni automatique, ni magique, c’est une démarche volontaire pour suivre la Tradition. Un psaume de David dit « ouvre ta bouche et Je la remplirai » – parole extraordinaire, car Dieu la remplit avec Lui-même. La Tradition est le don que Dieu fait de Lui-même en chair et en os et en sang – mais seulement à celui qui ouvre la bouche et qui veut vivre la Tradition.


Tous ces points introduits rapidement valent la peine d’être approfondis, repris dans le détail, la Tradition comme déification de l’homme et garde de l’alliance.

Saint Nicolas Cabasilas dit la différence entre la nourriture de ce monde et la nourriture divine : la nourriture terrestre tu la transformes en toi et la nourriture divine elle te transforme en elle. 

Père Marc-Antoine [FR]:

Le contexte pour apprendre la Tradition? La vie de paroisse. La liturgie, ainsi que la liturgie après la liturgie …

Père Razvan Ionescu [RO]:

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